Si vous êtes propriétaire d’un bien immobilier, vous avez le droit d’y loger gratuitement votre fils ou votre fille.
Il faudra cependant prendre différents facteurs en compte, car la situation n’est pas si anodine qu’il parait. En effet, l’occupation d’un logement par un enfant à titre gracieux a des conséquences légales, fiscales et peut entraîner des conflits familiaux.
Obligation d’entretien, donation indirecte, faisons le point sur les configurations possibles et voyons comment vous pouvez vous prémunir de tout contentieux familial.
Sommaire
ToggleDans quel cadre légal peut-on loger gratuitement son enfant ?
Le concept d’obligation d’entretien : définition
Si vous fournissez un logement gratuit à votre fils ou à votre fille, alors qu’il ou elle est majeur, votre situation relève en toute logique de l’obligation d’entretien. En effet, selon l’article 371-2 du Code civil, « Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant. »
L’alinéa 2 de l’article, ajouté en 2002 précise bien que « cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur ».
Les parents se doivent donc de pourvoir aux besoins de leur enfant et cela comprend l’alimentation, les vêtements, l’éducation, les soins de santé mais aussi le logement. Ainsi, si un enfant majeur n’est pas en mesure de subvenir seul à ses besoins, les parents sont tenus de l’aider. Cette aide peut être financière, par exemple en payant le loyer de l’enfant, ou en nature, comme la mise à disposition gratuite d’un logement.
Dans le cadre de l’obligation d’entretien, cette occupation gratuite d’un logement appartenant aux parents n’entre pas en ligne de compte lors de la succession. Il est ici considéré que les parents n’ont pas eu d’autre choix que d’aider leur enfant sans ressources ou bien aux ressources insuffisantes pour se loger. La durée d’occupation du logement n’a aucune incidence.
Attention : peut être considéré comme une donation indirecte
En revanche, si l’enfant concerné dispose des ressources nécessaires pour assumer les coûts de son logement, alors c’est plus compliqué et le cas ne relève plus de l’obligation d’entretien.
Il s’agit alors plutôt d’une donation indirecte. Et dans ce cas, les implications sur l’héritage et la famille ne sont pas sans conséquences. En effet, si les parents ont plusieurs enfants, celui qui continue à occuper gratuitement et exclusivement un logement qui appartient aux parents bénéficie d’un avantage non négligeable.
On parle ici de donation indirecte car il y a appauvrissement des parents (non perception des revenus locatifs sur leur bien immobilier), au profit d’un enfant (qui lui économise de l’argent car pas de loyers à verser). Il s’agit donc bien d’une libéralité qui doit être prise en compte au moment des calculs de succession. Pour rappel, une libéralité est l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne.
Cependant, en cas de litige familial, il reste difficile de prouver l’intention libérale des parents de désavantager un enfant au profit d’un autre, sauf présentation d’un testament mentionnant précisément cet avantage. Sans preuve, la situation sera qualifiée d’obligation d’entretien.
Si la donation est justifiée et prouvée, alors l’enfant bénéficiaire devra rapporter à la succession une somme correspondant aux loyers non versés. Il peut verser une indemnité aux autres enfants ou retirer ce montant de sa part de la succession.
Il est donc impératif de fixer le cadre de toute occupation gratuite et exclusive d’un bien immobilier par un enfant de la famille.
Comment prévenir tout contentieux familial ?
Si vous souhaitez éviter tout conflit ou litiges entre vos enfants suite à l’hébergement gratuit de l’un d’entre eux dans un bien immobilier dont vous êtes propriétaire, il est recommandé d’inscrire cette démarchage dans un cadre légal. Vous pouvez pour cela avoir recours à plusieurs dispositifs.
Qu’est ce que le prêt à usage ?
Également appelé commodat, ce contrat vous permet de justifier l’utilisation d’un de vos biens immobiliers par un de vos enfants, sans contrepartie financière et sous réserve d’une restitution du bien à une date définie. Selon l’article 1875 du Code civil : « Le prêt à usage est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi. ». En utilisant ce contrat, vous actez qu’il n’y a pas de libéralité. Il est impératif de définir une date de restitution du bien et une interdiction de location du bien pour exclure la libéralité.
La Cour de Cassation a légiféré en octobre 2017 que le prêt à usage ne constituait pour l’enfant « aucun transfert d’un droit patrimonial à son profit, notamment de propriété sur la chose ou ses fruits et revenus, de sorte qu’il n’en résulte aucun appauvrissement du prêteur ».
Ce contrat peut être établi par sous seing privé (c’est à dire sans la présence d’un notaire), mais nous vous recommandons de rédigé ce contrat et d’être très précis dans les termes du contrat. En effet, un contrat flou peut toujours être attaqué a posteriori sur la perte de revenus des parents et l’économie de loyers de l’enfant avantagé.
De plus, un contrat écrit vous permettra aussi de justifier du statut de votre bien auprès de l’administration fiscale et de prouver que votre logement est occupé, mais pas loué. Vous éviterez ainsi les taxes sur les logements vacants.
La donation d’usufruit temporaire et préciputaire
Vous avez autrement la possibilité d’avoir recours à la donation d’usufruit temporaire préciputaire sur le bien immobilier. Ce dispositif permet de donner à l’enfant un droit d’usage du bien pour une durée déterminée. Grâce à la clause préciputaire, l’avantage consenti à l’enfant est clairement reconnu et sera pris en compte lors de la succession. La mise en place de cette donation se fait devant notaire et l’acte doit ensuite être soumis aux droits de mutation à titre gratuit.
L’exclusion du rapport par testament
Il est également possible d’anticiper tout litige en rédigeant dans votre testament une clause qui exclut cet avantage consenti à un de vos enfants. L’avantage se déduira alors de la quotité disponible (part des biens d’une personne qu’elle peut donner librement par donation ou testament) et non de la réserve héréditaire de l’enfant avantagé. La réserve héréditaire est la part du patrimoine du défunt qui doit obligatoirement revenir aux héritiers.
En excluant l’avantage du testament, vous gardez de la flexibilité et la possibilité de changer de position en cas de changement de situation (familiale ou patrimoniale). En effet, un testament se modifie ou se révoque à tout moment avant le décès.
La donation-partage
Si vous avez une vision claire de votre succession, vous pouvez effectuer une donation-partage qui vous permettra, de votre vivant, de déjà transmettre et répartir vos biens à vos héritiers.
Retrouvez plus d’informations sur ce type de donation dans notre article sur le démembrement de propriété.
Comment déclarer aux impôts un occupant à titre gratuit ?
Loger gratuitement son fils ou sa fille a également des répercussions au niveau fiscal. Si votre enfant ne vous vire pas de loyers, alors vous ne percevez pas de revenus sur ce logement et vous ne serez donc pas imposé à ce titre. En revanche, vous ne pourrez pas non plus déduire de charges pour ce bien (taxe d’habitation, travaux de réparation et d’entretien, intérêts d’emprunt…). Il est possible de déduire les charges du logement, mais uniquement si votre enfant vous verse un loyer au prix du marché.
Lors de la déclaration d’impôts sur le revenu, l’enfant hébergé devra indiquer qu’il est logé à titre gracieux. Cela se fait en cochant la case « occupant à titre gratuit » sur la déclaration de revenus. Les parents doivent eux aussi déclarer qu’ils fournissent un hébergement gratuit afin de se soustraire à la taxe sur les logements vacants (vus qu’ils ne perçoivent pas de revenus de ce logement).
Pour en savoir plus sur les abattements fiscaux qui s’appliquent en cas de donation, consultez notre article sur les droits de succession.
Investissement locatif en loi Pinel
Si vous avez investi dans un bien immobilier dans le cadre de la loi Pinel afin de bénéficier d’une réduction d’impôts, vous ne pourrez pas proposer ce logement pour héberger gratuitement un de vos enfants. En effet, les logements en loi Pinel doivent obligatoirement être mis en location. Si vous êtes dans ce cas, votre enfant peut être le locataire, mais ce dernier ne doit pas être rattaché à votre foyer fiscal. Notez également que ceci n’ouvre pas droit à l’aide personnalisée pour le logement (APL) de la CAF pour autant.
Si vous envisagez un investissement immobilier dans le cadre de la loi Pinel, Emprunter-Malin met à votre disposition un calculateur pour estimer vos rendements à venir.
Avec la hausse des prix de l’immobilier et les difficultés pour trouver un bien en location, des parents peuvent faire le choix de mettre à disposition de leur enfant un bien immobilier qu’ils viennent d’acquérir ou bien qu’ils ont déjà en leur possession.